Approchez, Ishaya. Approchez, sentinelles de l’Œil. Approchez, maîtres des temples. Approche, peuple d’Ulthwé, car voici le récit de ceux qui combattent dans le Vide. Car voici l’histoire du Lotus Blanc.
Bien avant le retour des Lames de Vaul, gloire corrompue qui prit le plus grand des nôtres, notre peuple était déjà en guerre. Vils mon-keighs ! Ils vinrent, répandant le feu et le sang là où Ceux qui étaient partis tôt s’étaient installés. Ils vinrent et semèrent l’acier sur l’héritage de nos glorieux ancêtres, là où la Mère nous avait offert un havre de paix. Ils vinrent et mirent à bas les temples de notre Mère, expulsant les âmes immortelles vers le Sha’eil, là où l’Ennemie les dévora. Et cela est ce que nos prophètes virent dans leurs songes.
Et cela est ce qui se serait passé si nous n’avions pas agit. Les planètes autour de ce monde, Kaerys, n’étaient déjà pas nôtres. Nous n’avions nul besoin de ces terres, non bénies par Isha et avions laissé des mon-keighs s’y installer, rempart ignorant de nos desseins. Mais bientôt, leur simple présence ne suffit plus. La rébellion contre leurs maîtres fit venir davantage de mon-keighs. Avertis de ces faits, nous ne pensions d’abord pas réagir, laissant les affaires de ces créatures entre leurs mains. Il nous fut cependant révélé que notre inaction ferait arriver une première flotte insuffisante pour mater la rébellion. Une fois cette flotte détruite, les rebelles viendrait sur Kaerys afin de se prémunir d’une autre attaque. Et alors surviendrait le massacre des fils et filles d’Isha.
Mais l’un de Ceux qui voient loin se vit offrir la possibilité d’un autre futur. Près de l’Œil était une planète aux mains des mon-keighs du monde qu’ils appellent « Cadia », planète dont nous n’avions pu empêcher la chute car à ce moment nous luttions pour Haranshemash. Or nous avions à présent la possibilité de reprendre ce qui nous appartient de droit en faisant intervenir des renforts encore plus importants qui y seraient prélevés. Par la surprise, nous écrasâmes les premiers renforts envoyés contre le soulèvement dès leur apparition. Cette victoire fut totale.
Alors notre plan se mit en marche. La rébellion vainquit d’abord, inconsciente de notre rôle et pensant que la nouvelle ne s’était pas propagée. Une flotte conséquente se prépara à revenir. L’avant-garde vint toutefois sur Kaerys, pensant s’y installer pour préparer l’invasion. Aussitôt qu’ils avaient débarqué, leurs vaisseaux en orbite connurent la destruction par notre arrivée. Leurs forces aux sols furent surprises et décimées, les généraux capturés afin de négocier une paix.
Kelandril, amiral d’Ulthwé et glorieux commandant de cette campagne vint sur Kaerys au soir. Âme noble, il disait toujours tirer ses décisions des enseignements de Kurnous. Tous pouvaient témoigner de la vitesse et de la précision des assauts qu’il ordonnait, frappant l’adversaire là où était sa faiblesse, comme l’aurait fait la Lance du dieu. Afin de célébrer cette victoire, ce guerrier se dirigea vers le sanctuaire du dieu. Arrivé auprès de l’autel, il vit autour de lui là où étaient arrivés les mon-keighs. Forêt de cendre et lacs de flammes. Tout en réalisant le rituel, il ne put que constater que même dans la défaite ces barbares ne songeaient qu’à détruire.
Alors qu’il errait dans un bosquet proche, une voix haute et claire lui parvint. Une voix d’eldar, chantant l’Ode à Isha :
Elle marche, et les étoiles s'inclinent devant sa splendeur,
Car elle est la gloire en personne.
Elle parle, et les oiseaux cessent de chanter,
Car ses mots apportent la connaissance.
Elle pense, et les érudits pleurent,
Car sa sagesse ne fait aucun doute.
Elle juge et les coupables désespèrent,
Car elle lit dans le cœur des mortels.
Elle se lève, et les empires se brisent,
Car son courroux apporte la justice.
Elle s'avance, et tous tombent à genoux,
Car son pouvoir n'a pas d'égal.
Tels sont les mots, Ô Chère Mère, que te dédient tes enfants,
Afin que nul jamais n'oublie Celle Qui Marche Aux Cotés d'Asuryan !
Suivant la voix, il parvint bientôt au bord d’un étang. Sur la rive, il trouva une eldar. Enveloppée dans une robe immaculée elle laissait s’échapper de son beau visage cette douce plainte, teintée de la mélancolie des Jours Glorieux d’avant la Chute. Kelandril demeura là à contempler cette vision d'un autre temps, avant de reconnaître les traits d'Aëlith, Prophétesse d'Ulthwé. Clairs étaient ses présages et grande était sa renommée, car déjà elle avait sauvé de la dévastation maintes planètes bénies par la Mère.
Mais cette fois, quelque chose en elle avait changé, sans que Kelandril ne parvienne à voir quoi. Au moment où il s’apprêtait à partir, elle cessa de chanter et pris la parole :
« Ô toi qui prend le chemin du départ, arrête-toi. Arrête-toi et reviens auprès de Celle qui Voit. Reviens car j’ai vu ton destin. Et tu te dois de savoir ce qui t’attends, Lance de la Chasse. »
Et à ces mots, Kelandril rebroussa chemin et revint vers Aëlith, car sa réputation la précédait. Certains des plus vieux parmi les eldars, quelques uns ayant été témoins de la Chute, se sont souvent demandé comment leur vie millénaire allait se dérouler : vivraient-ils assez longtemps pour périr glorieusement à la Rhana Dandra ? Disparaitraient-ils sur un champ de bataille oublié de tous ? Verraient-ils l’Ennemie dévorer leur noble âme échappée des Larmes d’Isha brisées ? Kelandril était encore jeune mais déjà cette soif de savoir n’attendait que d’être étanchée en lui.
« Parle, Ô Prophétesse. Parle, car tes mots sont vérité. Parle, car l’avenir que tu as vu est celui de notre rencontre. »
« Guerrier, longtemps tu as combattu pour Ulthwé et pour les Dieux. De ton premier sang à ta dernière bataille, tu as mené les tiens avec honneur et courage. Mais aujourd’hui est le jour du choix. A qui ira ta loyauté ? Ira-t-elle à ton Vaisseau-Monde, rempart contre le Mal et l’Ennemie, berceau de ta famille et origine de ta gloire ? Ou ira-t-elle aux Dieux anciens, nobles de cœur mais terrassés par l’Ennemie, puissants parmi les puissants et inspirateurs de notre fougue ? Dis-le-moi, car de ce choix dépend notre avenir commun. »
« Prophétesse, cruel dilemme que celui que tu me proposes ! Pour la gloire d’Ulthwé, j’ai enduré les pires blessures et risqué ma vie maintes et maintes fois ! Mais toujours les Dieux m’ont guidé, dans leur fureur ou dans leur bonté, et je serais bien indigne de ne pas leur rendre hommage ! Et pourtant, tu me demandes de les dissocier, comment cela se peut ? Comment ne pourrais-je pas continuer à servir les Dieux en protégeant mon peuple ? Je t’en prie, explique-moi ce choix que je dois faire ! »
« Ô Kelandril, Héraut d’Asuryan, regarde autour de toi ! Vois, vois les bois brûler ! Contemple les rivières pures se mêler aux fleuves de sang ! Ressens en toi la douleur de l’Esprit du Monde quand un fils d’Isha décède ! Tout cela est autant de blessures dans le flanc de la Mère, qui souffre déjà des tourments qui lui sont infligés. J’ai vu. J’ai vu comment soulager ces maux. Je t’ai vu à la tête d’une flotte d’ivoire et d’azur mener de nobles guerriers contre les vagues incessantes de créatures abominables. Je t’ai vu à mes côtés contempler la destruction de vils mon-keigh avant même qu’ils ne puissent s’apercevoir de leur propre mort. Je t’ai vu embarquer sur ton propre navire sous les regards horrifiés du peuple d’Ulthwé. Je t’ai vu quitter ce même peuple contre l’avis de Ceux qui Voient. Je t’ai vu au plus fort de la tourmente braver mille dangers pour protéger l’autel immaculé de la Mère. Je t’ai, invisible parmi les ombres, surprendre tes adversaires et détruire leurs vies avec la patience de Kurnous. Je t’ai vu hésiter et ma vision s’est troublée avant de te voir, revêtu de l’habit des Gardiens Noirs. Je t’ai alors vu marcher aux côtés du Fléau d’Eldanesh, rempli de sa rage. Je t’ai vu honoré de tous les hommages par l’Œil de Vérité. Car l’infini des possibles repose devant ton choix. A nouveau, Kelandril, qui t’es le plus cher ? Tu peux continuer à servir au sein des Sentinelles de l’Œil comme tu l’as toujours fait. Mais il y a une autre voie. Une voie que je te propose de parcourir à présent. Rejoint-moi. Rejoint-moi et ensemble, nous irons protéger l’œuvre des Dieux. Sépare-toi d’Ulthwé, rassemble ceux qui te sont le plus fidèles, à toi et aux Dieux. Car tel est l’appel de la Mère et du Chasseur. Viens défendre les terres des Eldars contre ces barbares croyant que ce monde leur appartient. Restaure la gloire des Dieux. »
« Ô, Toi qui a vu l’Avenir, je comprends mieux ce que tu me demandes à présent. Si tu me proposes ce choix, c’est que nul autre que moi n’aurait pu l’accepter. Ulthwé est fière et vaillante, et ainsi sont ses guerriers. Toujours ils repousseront l’Ennemie au-delà des frontières de l’Œil, là où résistent les vestiges d’une grandeur abandonnée. Mais ce mal est sournois et ne saurait être contenu malgré une veille constante. Tes mots résonnent au fond de mon cœur et de mon âme. Au nom d’Isha et de Kurnous, je fais pleinement don de ma vie à cette cause. Guide-moi, guide-moi vers ce destin, car cette tache doit être accomplie. Mais pour cela, jamais tu ne dois disparaître, car cela signifierait l’échec de notre lutte. Aussi fais-je serment de te protéger de tout maux dussé-je y laisser mon sang arraché par la lame de tes ennemis. Ô Aëlith ! Montre-moi le chemin que je dois maintenant emprunter ! »
A ces mots, Aëlith s’enfonça dans l’étang, laissant les flots l’accueillir pleinement. Arrivée au centre du bassin, elle ouvrit ses mains afin de cueillir une fleur qui poussait là. Revenant vers Kelandril, elle la lui offrit et prononça ces mots :
« Soit béni des Dieux, Héros d’Ulthwé. Soit béni car tu abandonnes la compagnie des vivants pour tenter de suivre la volonté des Dieux. Soit béni, car ton cœur est pur, comme la fleur de ce lotus. Soit béni, car cette bénédiction te protégera dans les pires tourments. »
« Alors, que cette fleur soit le symbole de la voie que nous avons choisi. Portons-la haute et fière au combat, témoin de notre soumission à Isha ! »
Et ainsi parla Kelandril, Seigneur du Lotus Blanc. Ainsi parla-t-il, écrivant les premiers récits qui aujourd’hui sont innombrables parmi les Fils et les Filles d’Isha. Ainsi parla-t-il, scellant son propre destin.
Aëlith sorti de sa transe en sursaut. Elle avait vu. Elle avait vu la guerre. Elle avait vu des frères et des sœurs périr sous les flammes de l'Architecte, sous les lames des barbares détruisant l'œuvre d'Isha. Mais surtout, elle les avait vu dévorés par l'Ennemie.
Elle reprit ses esprits et essaya de se calmer alors que ses eux revenaient vers le présent. Il fallait réagir, vite. Kelandril n'était pas sur le Will of Isha, parti guerroyer aux côtés d'Ulthwé avec la quasi totalité des guerriers du Lotus Blanc.
Un frisson s'empara de la prophétesse après que l'avenir lui apparaissait plus clair que jamais. Elle savait ce qui devait être fait. Et ceci la dégoûta. Elle se remit lentement sur ses pieds et parti dans les coursives du vaisseau.
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«Ô Syrond, toi qui façonne le monde et guide les morts, il est temps pour toi de revenir à ton sanglant devoir. Va, va et réveille nos ancêtres. Va et rappelle-leur les serments qu'ils ont jurés à notre mère. Va, car l'heure est venue.»
«Élue de la Mère, j'entends ta requête. J'entends et j'obéis, car telle est la volonté de Celle qui Protège. A tes côtés veilleront toujours les Morts. Car l'Heure de la Chasse est venue.»
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«Ô, guerriers du Temple ! Ô Chasseurs Patients ! Ô Gardiens de la Toile ! Entendez mon appel, car l'heure n'est plus à la méditation. Cessez les exercices, car il est temps de procéder au Rituel. Ressentez en votre cœur ce désir ardent alors que vous revêtez les masques ! Sentez, sentez les runes brûlant votre peau ! Rejoignez-moi, car l'heure est venue !»
«Fille d'Isha, nous entendons ta requête. Nous entendons et nous obéissons car telle est la volonté de Celle qui a Vu. Que ce soit des Ombres et ou de la Toile, nous jaillirons vers tes ennemis. Car l'Heure de la Chasse est venue.»
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Les derniers combattants du Lotus Blanc présents sur le Will of Isha s’étaient rassemblés dans le Dôme du Vide. Alors qu’Aëlith parcourait le vaisseau, sa volonté s’était répandue à travers la structure de moelle jusque dans le cœur de chacun. Telle l’Avatar du Dieu à la Main Sanglante, sa fougue avait été ressentie partout car par elle s’exprimait la volonté de Kurnous. Un portail frémit et des silhouettes en jaillirent avec une grâce supérieure à celle de n’importe quel autre eldar présent. Les tissus bariolés qui les habillaient et leur armement unique les désignait plus clairement que toute armoirie. Lorsqu’Aëlith prit la parole, son murmure résonna comme le mugissement d’une tempête dans les âmes de chacun.
« L’heure de la Chasse est venue. »
Dim 5 Mai - 21:18
